Primaire Les projets des candidats de la droite et du centre
Le vainqueur représentera officiellement les Républicains pour l’élection présidentielle. Le point sur le programme agricole des sept en lice.
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La primaire de la droite et du centre est-elle déjà aussi pliée qu’on voudrait le dire ? La débâcle des sondages qui n’ont su prévoir ni le résultat de l’élection américaine, ni le Brexit, remet en question les pronostics. Le suspense reste total à quelques jours du premier tour qui se tiendra dimanche 20 novembre.
Les débats télévisés n’ont pas non plus permis de départager les sept candidats, dont le souci fut surtout de ne pas apparaître en diviseurs. À part quelques séquences incisives, les postulants se sont cantonnés à exposer leur programme… en omettant d’aborder les sujets agricoles (le troisième débat télévisé n’a pas eu lieu à l’heure où nous bouclons). Ils ont privilégié le contact direct, notamment en se rendant au Space et au Sommet de l’élevage. La méthode sera-t-elle payante ? Deux obstacles de taille sont à surmonter : la majorité d’entre eux a montré ses limites en ayant déjà exercé une fonction au pouvoir. Et le contexte de crises agricoles impose des décisions opérationnelles inédites. Les programmes sont-ils à la hauteur ?
1 Restaurer la compétitivité des exploitations
L’idée forte, martelée par tous, est la mise en place d’une politique de l’offre en faveur des entreprises. Sans surprise, puisque même le gouvernement socialiste en a fait son credo, les postulants prônent une réduction massive des prélèvements pour faire face à la concurrence. Leurs propositions diffèrent sur les impôts à baisser et les mesures destinées à financer cette réduction. François Fillon défend une baisse des charges sur les entreprises à hauteur de 50 milliards financée par les recettes d’une TVA augmentée (y compris sur les produits d’importation). Dans le même ordre d’idée, Jean-François Copé projette 30 milliards de baisse des charges transférées sur la TVA. Le président du parti chrétien-démocrate, Jean-Frédéric Poisson, prévoit aussi de « jouer » sur les taux de cotisations sociales.
S’ils sont élus, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé activeront plutôt le levier du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) pour baisser les charges de manière pérenne. Leur objectif est de mettre fin au dumping social européen. Même mécanisme choisi par Bruno Le Maire. Nathalie Kosciusko-Morizet programme de son côté de diminuer les impôts sur le travail et le capital (à hauteur de 100 milliards dès 2017) par des réformes structurelles. La plupart prévoient également de réviser la fiscalité agricole afin d’apporter davantage de stabilité aux exploitations. C’est le cas d’Alain Juppé, de Nathalie Kosciusko-Morizet (avec un lissage des revenus sur 3 à 5 ans) et de Nicolas Sarkozy (sur 5 ans). François Fillon veut quant à lui faire de la DPA (déduction pour aléas) un compte épargne aléas climatique et économique, susceptible de représenter jusqu’à une année de récolte. Bruno Le Maire l’érige en principe, avec l’inscription de la stabilité fiscale dans la constitution.
Autre axe majeur pour les sept candidats : la chasse aux normes ! Pas à n’importe quel prix pour François Fillon : toute décision en la matière doit être conditionnée à une étude d’impact. Et comme Jean-François Copé, l’ex-Premier ministre prévoit le recours aux ordonnances pour abroger toutes les normes ajoutées aux textes européens. Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire et Jean-Frédéric Poisson se rallient à cette nécessité de mettre fin au zèle français, qui porte des coups « insupportables » aux exploitants. Seule l’ancienne ministre de l’Écologie modère le propos : les contentieux liés aux normes européennes sont plus souvent la conséquence, selon elle, d’une mauvaise (ou moindre) transposition. Pour y parer, elle privilégie le cas par cas avec une mise en place de normes différenciées selon les exploitations.
En révisant ainsi l’environnement fiscal et administratif des entreprises, les candidats visent à soutenir le développement de nouveaux projets. Pour Alain Juppé, cette politique de l’innovation doit être portée par la Banque publique d’investissement (BPI), les crédits Feader du deuxième pilier de la Pac et ceux du programme d’investissement d’avenir, pour rattraper le retard. S’il est au pouvoir, François Fillon, qui promeut une agriculture raisonnée avec moins de produits chimiques, relancera la recherche, notamment génétique, et rendra éligibles les exploitations agricoles au Crédit d’impôt recherche (CIR). Nicolas Sarkozy veut également se mobiliser en faveur de la recherche (le gaz de schiste, notamment). Bruno Le Maire privilégie quant à lui le développement des énergies renouvelables dans les exploitations (méthanisation et photovoltaïque) et Nathalie Kosciusko-Morizet plaide, en plus, en faveur d’activités émergentes, comme l’utilisation de drones pour le traitement des cultures.
2 Favoriser les outils assurantiels de la Pac
La compétitivité des entreprises agricoles sous-tend aussi la stratégie des candidats à la primaire pour la prochaine réforme de la Pac. Leur leitmotiv : réguler les marchés pour intervenir quand les prix s’effondrent.
Les candidats portent des dispositifs classiques. Alain Juppé propose, par exemple, de développer les dispositifs de gestion des risques aux niveaux international (stocks d’intervention entre les pays du G20), européen et national (fonds de péréquation, incitation au stockage privé…). Il avance aussi l’idée d’une épargne de précaution constituée par l’exploitant pour se prémunir des fluctuations des prix et d’un observatoire européen indépendant des volumes et des prix qui permettrait d’anticiper les risques de surproduction. Il souhaite également encadrer l’intervention financière sur les marchés à terme, en vue de prévenir la volatilité des cours. Bruno Le Maire propose de son côté la mise en place d’une garantie de prix en cas de crise. Une autre idée fait son chemin : le développement de l’assurance revenu ou chiffre d’affaires. Nicolas Sarkozy, son ancien ministre de l’Agriculture et Alain Juppé la plébiscitent. François Fillon préconise quant à lui de transférer la couverture du risque climatique et les sommes afférentes pour financer un fonds de mutualisation géré par les agriculteurs. Alain Juppé estime qu’il faudra subventionner l’assurance par un redéploiement d’une partie des aides directes.
Pour l’ancien chef de l’État, les aides directes doivent aussi permettre de continuer à aider les régions de montagne. Il se positionne également pour la régionalisation des aides. Quant à Jean-Frédéric Poisson, une seule priorité affichée : orienter les aides vers les productions. Et s’il reste de l’argent, pourquoi pas soutenir la biodiversité. Les autres candidats sont favorables à une Pac qui préserve l’environnement, mais l’abordent presque exclusivement sous l’angle des normes à simplifier. Sauf Nathalie Kosciusko-Morizet, plus offensive, qui suggère d’abandonner progressivement les paiements à l’hectare pour retrouver un soutien par les prix, couplé à des paiements pour services environnementaux. Elle défend une Pac concentrée sur les 150 premiers hectares, avec un paiement unique à l’hectare, et prévoit d’orienter une partie des aides à la production vers un soutien sous la forme de « bons alimentaires », inspirés des États-Unis.
Toutes ces propositions s’inscrivent dans un budget européen que tous veulent au moins maintenir. Selon eux, la France doit retrouver l’influence politique perdue au niveau européen. Pour Bruno Le Maire, visiblement bridé dans son ancienne fonction au gouvernement, cela passera notamment par une prise en main des négociations agricoles au niveau du chef de l’État.
Quant à Nicolas Sarkozy, il estime que le président de la République doit aussi reprendre la main sur les négociations internationales menées par la Commission européenne. Tous se disent vigilants quant aux accords de libre-échange et à l’application du Ceta, présigné le 30 octobre avec le Canada. Jugé déséquilibré, le TTIP, en discussion avec les États-Unis, ne sera pas regretté par les candidats s’il est abandonné. L’enjeu pour tous, derrière ces accords comme la Pac, est la souveraineté et la sécurité alimentaire des citoyens. Mais aussi l’adaptation des agriculteurs à la nouvelle donne commerciale.
3 Réorganiser les filières agricoles
Les sept candidats reconnaissent la nécessité de rééquilibrer les forces dans la filière alimentaire. D’abord en encourageant la contractualisation. Un chantier déjà engagé en 2010 sous leur propre gouvernance, mais sans succès… L’ancien ministre de l’Agriculture se souvient d’une réforme « mal expliquée et pas menée à son terme ». Les autres pistes ne manquent pas pour permettre aux agriculteurs de travailler à armes égales avec les industriels et les distributeurs. Bruno Le Maire, François Fillon, Alain Juppé et Jean-François Copé prônent un renforcement des organisations de producteurs avec, par exemple, des démarches de regroupement simplifiées. Et pour lever toutes les contraintes dans la fixation des prix à la production, le trio de tête Juppé-Sarkozy-Fillon promet de modifier, voire de réformer en profondeur le droit de la concurrence.
L’ex-président de la République et son ancien Premier ministre misent aussi sur une présence renforcée de l’État aux côtés des producteurs dans les discussions tarifaires, avec l’Observatoire des prix et des marges dans le rôle du gendarme, suggère Nicolas Sarkozy. Jean-Frédéric Poisson préconise des systèmes de garantie de prix, quand Bruno Le Maire va jusqu’à évoquer des « mesures contraignantes » pour assurer une meilleure répartition des marges dans la filière.
De son côté, Nathalie Kosciusko-Morizet s’intéresse davantage au partage de la valeur au sein même des coopératives : elle suggère d’affecter une part du résultat des activités sous la forme de ristourne aux sociétaires. L’ancienne ministre de l’Écologie soutient par ailleurs la création de « marques collectives de certification » et conseille de s’appuyer sur la force de frappe de la grande distribution pour vendre la production locale. Elle va plus loin sur le dossier en projetant un soutien public à l’investissement pour la création de magasin de producteurs, par une garantie bancaire de la Banque publique d’investissement (BPI), ou en sortant les produits sous signes de qualité du formalisme de la commande publique. Même déploiement d’idées chez François Fillon, qui prescrit des outils bancaires et fiscaux sans intérêt ni garantie pour les « circuits directs ».
Alain Juppé veut de son côté encourager la prospection de nouveaux marchés, la logistique et le développement des marques, comme Bruno Le Maire qui concentre ses efforts sur la marque des chambres d’agriculture « Bienvenue à la ferme ». Jean-François Copé se contente d’évoquer un assouplissement des règles de marché public. Quant à Nicolas Sarkozy, sa critique virulente de l’agroécologie et ses propos sur « la possibilité donnée aux bobos d’aller faire leurs courses à la ferme dans le cadre des circuits courts », ne laissent aucun doute sur sa faible motivation à creuser le sujet…
Si l’ensemble des postulants présente bien un programme de droite, les annonces réellement novatrices manquent. La plupart ont déjà exercé le pouvoir et semblent animés par la notion de recyclage. L’adage dit « on ne change pas un monde qui gagne ». Mais gagne-t-il vraiment ?
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